Ski de poudreuse a Val Thorens

Saison de ski 2020-2021, le virage vert

Article publié par Annie Barbaccia du journal Le Figaro et publié le 2 octobre 2020.

Saison de ski 2020-2021, le virage vert
La prochaine génération de dameuses Prinoth fonctionnera à l’hydrogène.

Saison de ski le virage vert

Zéro émission de C0² sur les pistes à l’horizon 2037, tel est l’engagement pris par Domaines skiables de France (DSF), la chambre professionnelle de 238 opérateurs de remontées mécaniques et domaines skiables, soit la quasi-totalité des terrains de glisse des cinq massifs français. Cette neutralité carbone constitue le premier des cinq volets – «climat et énergie», «eau et agriculture», «biodiversité», «paysages» et «déchets» – de la charte environnementale établie par DSF sur fond de réchauffement climatique.

Cette charte verte ne tombe pas du ciel. En novembre 2019, DSF en avait déjà annoncé la couleur pour avril 2020. La crise sanitaire l’aura juste retardée de quelques mois. Ce n’est finalement pas plus mal. Après les premières grosses chutes de neige et à deux mois du lancement de la saison de glisse 2020-2021, elle n’en suscitera que plus d’intérêt auprès des autorités gouvernementales. «Nous sommes la première profession à prendre cette initiative», affirme Alexandre Maulin, le président de DSF, reçu en début de semaine au ministère de la Transition écologique.

La France possède le plus vaste terrain de glisse de la planète

C’est aussi le meilleur moment pour sensibiliser le public, à commencer, bien sûr, par les skieurs. «Nos engagements correspondent aux attentes des clients, souligne Alexandre Maulin. Selon les enquêtes de satisfaction réalisées l’hiver dernier sur une quarantaine de domaines, plus d’un tiers des skieurs se dit intéressé par le respect de l’environnement dans les stations». En piste donc pour quelques explications, un brin techniques parfois pour le profane mais d’autant plus étonnantes qu’elles balaient souvent certaines idées reçues. 94% des émissions de CO2 viennent des dameuses

Saison de ski le virage vert

Actuellement, seulement 2% des émissions de CO2 sont dûes aux enneigeurs si souvent décriés – «En France, on a la chance que l’électricité soit décarbonée à 95%», rappelle le président de DSF. Quant aux remontées mécaniques, elles ne génèrent que 4% de ces émissions. Mais tout le reste, soit 94 %, vient des dameuses. Dans ce cas, question provocatrice, pourquoi ne pas supprimer le moquettage des pentes et skier tout terrain, comme avant, dans les années 1960 ? Après tout, le style le vintage c’est tendance…

«Le damage a ses vertus, rétorque Alexandre Maulin. Non seulement il facilite l’apprentissage et le plaisir de la glisse mais la neige non tassée par les machines fond deux fois plus vite. Et sur plan économique, les domaines skiables représentent 17.000 emplois directs et 120.000 en tout à l’échelle des stations». Alors que faire ? «Soutenir l’émergence de la dameuse à hydrogène, une technologie sur laquelle travaillent déjà les constructeurs d’engins. Nous nous engageons à les aider en leur garantissant un marché, tout en réfléchissant parallèlement à la fabrication, à l’échelle des vallées, d’hydrogène décarboné à partir d’eau et d’électricité verte».

Évidemment, tout cela ne se fera pas en un jour, d’où l’échéance 2037 retenue par DSF pour arriver à la neutralité carbone totale sur les pistes. Cependant, «d’ici à trois ans, tous les domaines skiables auront réalisé leur bilan carbone et montré que des efforts ont été faits en formant dès maintenant les conducteurs de machines à l’écoconduite. Idem pour les remontées mécaniques : inutile de les faire tourner à leur vitesse maximale s’il n’y a pas d’attente au départ.» Est-ce à dire qu’on va s’éterniser sur les télésièges ? «Non, on mettra juste une minute ou deux de plus pour monter, les skieurs ne s’en rendront même pas compte», rassure Alexandre Maulin.

D’ici à trois ans, tous les domaines skiables auront réalisé leur bilan carbone !

Le deuxième engagement, «eau et agriculture», concerne les «retenues collinaires» ou «retenues d’altitude», ces réserves d’eau destinées à la production de neige de culture. Bien qu’elles se soient multipliées sur les domaines skiables ces dernières années, elles ne sont pas assez nombreuses. «Dans notre charte, les exploitants qui consomment plus de 100 000 m3 d’eau par saison, soit environ 40 % de l’ensemble, s’engagent à construire plus de retenues afin de diminuer l’impact de la fabrication de neige sur le milieu aquatique naturel», annonce Alexandre Maulin.

En montagne, en effet, c’est au printemps, de mars à juin, qu’il y a le plus d’eau, entre la fonte des neiges et les pluies. Donc en fin de saison de ski ou après quand on n’a plus besoin de fabriquer de la neige. Alors que dès novembre et les premiers frimas, les enneigeurs tournent à plein pour assurer une sous-couche. «À ce moment-là, mieux vaut donc puiser dans nos réserves plutôt qu’utiliser l’eau du territoire, explique Alexandre Maulin. En outre, en cas de sécheresse estivale, ces retenues d’altitude sont à la disposition des agriculteurs pour abreuver les troupeaux en pâture, c’est plus pratique et plus écologique que de monter de l’eau en 4×4 depuis la vallée».

Saison de ski le virage vert

Enfin, au chapitre «déchets», une opération de ramassage sera organisée sur tous les domaines – la plupart le font déjà – après la fonte des neiges. Et partout, on s’efforcera de sensibiliser skieurs et randonneurs à laisser la montagne propre. «La charte DSF, à laquelle tous nos adhérents vont se conformer, vise à démontrer que le tourisme est capable de travailler en bonne intelligence avec les territoires», conclut Alexandre Maulin. La France, rappelons-le, possède le plus vaste terrain de glisse de toute la planète ski. Reste que ces champs de neige aménagés ne représentent qu’une part lilliputienne de nos montagnes : 25 000 ha de pistes ou, hors pistes compris, 120 000 ha, soit, respectivement, 0,2% et 1,4% des hautes terres des cinq massifs.

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